Dieu est mort

par Mohamed El Khatib

Le 57 est le bus qui me mène à Paris.
C’est une journée lumineuse mais sinistre.
J’ai la tête dans mon journal, mais la tête ailleurs.
Dieu est mort.
Ainsi parlait Zarathoustra.
Ainsi jouait Diego Maradona.
J’ai repensé à mon album Panini que mon père m’avait acheté à mon entrée en CP.
Voilà comment tout a commencé.
J’avais six ans quand j’ai entendu hurler à la maison : "On a niqué la reine d’Angleterre".
C’était le 22 juin 1986 à Mexico, et Maradona en marquant de la main contre les Anglais non seulement offrait la finale de la Coupe du monde à l’Argentine, mais aussi et surtout offrait une revanche politique et sociale contre la politique rétrograde de Margaret Thatcher.
C’est ce même Maradona qui 30 ans plus tard, à l’occasion du match Nigéria-Argentine, en mondovision, devant presque un milliard de téléspectateurs, adresse au Nigéria et au Monde entier deux doigts d’honneur, comme un ultime tour de piste.
Et je dois avouer que mon idole d’enfance ressemblait de plus en plus à ce vieil oncle libidineux qu’on ne peut plus sortir en public parce qu’on n’assume pas ses incontinences sociales. C’est le lot de nombreux commentateurs comme par exemple Pascal Praud en politique, Philippe Candeloro en patinage artistique, Jean-Pierre Thibaudat en théâtre, ou encore, en football, le merveilleux Thierry Roland. Ce même Thierry Roland qui avait dit en 1986, à l’occasion de cette fameuse main de Dieu : "Honnêtement Jean-Michel, ne croyez-vous pas qu’il y a autre chose qu’un arbitre tunisien, pour arbitrer un match de cette importance ?" Et on ne lui en voulait pas à Thierry Roland, c’était comme ça à l’époque, c’était une certaine vision de la France. Quant à Maradona, c’était une certaine idée du football. Et mourir pour des idées, l’idée est excellente...

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