La réalité s’inscrit entre les mille et un petits gestes qui rythment nos routines. Entre 1947 et 2000, chaque jour de sa vie, Janina Turek, une femme polonaise, a noté sans commentaire les “données” de son quotidien dans 748 carnets retrouvés par sa fille après sa mort. 38196 coups de téléphone, 19 parties de Dominos, les livres lus. Combien de cadeaux reçus, combien d’offerts, à qui et lesquels ? Combien d’émissions de télévision, combien de sorties au théâtre ?... Daria Deflorian et Antonio Tagliarini vont à sa rencontre, soir après soir, sur les plateaux du monde. Ils tournent les pages de ce "journal intime" méticuleux, quasi obsessionnel. Ils ne cherchent pas à mettre en scène la vie en bribes de Janina ou à la reconstituer, mais à dialoguer avec ce qu’elle nous fait savoir et avec ce que nous ignorons d’elle. Leur spectacle crée avec infiniment de délicatesse une série de coïncidences entre la scène, le public et la poésie peu à peu hallucinante qui se dégage de cette liste infernale, de ce catalogue de gestes anodins ou essentiels.
Avec cette matière mystérieuse, avec cette voix de l’absence, ils font un moment rare et précieux qui s’interroge et nous interroge, en équilibre entre le jeu des acteurs et la réalité.