C’est le coucher du soleil, Emma Picard parle de ses ténèbres, toute la nuit. Elle raconte. Pauvre et poussée par l’administration coloniale, après 1860, elle a cru aux promesses de prospérité que la propagande lui faisait. On lui a octroyé 20 hectares de terre du côté de Sidi Bel Abbes en Algérie. Elle s’y est installée avec ses quatre enfants, et ce fut l’enfer. Elle raconte le Dieu absent, l’impuissance et les catastrophes, les hommes et les tempêtes, comme on prend conscience, comme on s’émancipe. Elle parle à son dernier fils, mourant ; elle parle à la terre ingrate, qui ne lui a rien donné et qui lui a tout pris. Et elle nous parle à nous. Elle dit l’incompréhension, l’absolue injustice et l’absurdité de sa situation. Elle s’éveille à la politique, au féminisme. Micheline Welter prend à bras le corps et à pleins poumons le texte fort de Mathieu Belezi, sa langue brute et virulente.

Rencontre avec Mathieu Belezi et Micheline Welter à l’issue de la représentation du 14 mars