Il faut continuer à voir trop grand...

Il faut continuer à voir trop grand, quoi qu’il en soit, comme des enfants, surtout quand tout semble rapetisser et nous inciter à faire plus avec moins et à se protéger. On vit dans un monde d’injonctions diverses, morales, sociales, économiques… que l’on se donne parfois à soi-même aussi, un peu comme une autocensure plus ou moins consciente. Franchir la porte d’un théâtre, ça n’est pas forcément un geste facile pour tout le monde, par exemple. Il n’y a bien sûr aucune nécessité à aller au spectacle vivant pour bien vivre et être une « belle » personne, comme on dit ; mais c’est quand même dommage, vu de nous, peut-être précisément parce que ça n’est pas nécessaire, ni urgent. C’est le sens et la raison des arts et des cultures en partage, parce qu’au fond ça l’est, même si on se trompe, nécessairement. Ça a à voir avec la vie ensemble, les questions et les plaisirs en commun : rencontrer l’imaginaire des autres, ce qui les réjouit et ce qui les accable, transmettre des savoirs artistiques et culturels, être hospitaliers et curieux, ouvrir des mondes quand on pense avoir fait le tour de celui-ci, même si l’on n’est pas toujours d’accord. Alors il faut aller vers ceux qui n’y viennent pas déjà, au théâtre, dans les quartiers comme ailleurs, et il faut y aller avec ses jambes et sa voix, parfois même prendre les gens par la main pour venir découvrir simplement les enjeux d’une maison comme celle-ci, qui est celle de tous : un théâtre public, avec pour mission d’accueillir des spectacles, des artistes et des publics, comme si ça n’avait lieu chaque fois qu’une fois, celle où nous sommes ensemble au moment même. Accompagner ce qui est notoire, laisser naître ce qui est tout neuf et plus fragile, favoriser les solidarités entre les générations d’artistes et de spectateurs… C’est l’histoire du théâtre du Bois de l’Aune depuis ses débuts, avec des fidélités et des apparitions, chaque année. Pour le plaisir, et pour déborder les entre-soi. Pour partager en commun des fictions éphémères et des instants suspendus, au présent et en présence. Idéalement pour un autre profit, accessible à tous et pour chacun.

Patrick Ranchain
Directeur du théâtre du Bois de L’Aune

Séances

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