On est au cinéma, on est au théâtre, n’importe. Emmanuel Meirieu est un magicien des deux. Il s’empare avec une rare intensité de récits où l’humanité est blessée, qui nous bouleversent. Ici celui d’une trahison, telle que la raconte Sorj Chalandon dans deux romans autobiographiques. Jeune homme dans les années 70, il était lié d’une amitié ardente avec Denis Donaldson, alors leader incontesté de la branche politique de l’IRA en Irlande du Nord, qui a avoué publiquement en 2005 avoir trahi tout le monde depuis 25 ans, avant d’être assassiné. C’était inimaginable, une révélation inouïe pour l’auteur, journaliste engagé, son ami. Le spectacle rend compte admirablement de ce choc. La force des images et de la musique, la puissance des interprètes et de la mise en scène nous saisissent et font sonner sans jugement les voix du traître et du trahi. L’écriture libère la parole et la douleur sourde de celui qui cherche encore à comprendre.

Depuis plus de vingt ans, Emmanuel Meirieu, et sa compagnie Bloc opératoire, proposent un théâtre stimulant et actuel, générateur d’émotions fortes. Avec De beaux lendemains d’après le roman de Russell Banks, Mon traître d’après Sorj Chalandon puis Des hommes en devenir d’après Bruce Machart, il a fait de l’adaptation de romans à la scène sa spécialité. Emmanuel Meirieu est guidé par le désir de faire entendre avec simplicité la puissance des récits d’êtres brisés, de marginaux grandioses et viscéralement humains. Sa dernière création, les Naufragés, adaptée du texte de Patrick Declerck a été présentée aux Nuits de Fourvière à Lyon en juin 2018. Il est artiste associé au Centre Dramatique National de l’Est.